Précédent

Les collaborateurs ont le droit de demander une formule souple de travail

La nouvelle CCT numéro 162 du Conseil national du Travail est entrée en vigueur le 1er octobre et confère un nouveau droit à vos collaborateurs. Nous vous expliquons volontiers ce qu’il implique.  

En application de la directive européenne sur l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée pour les parents et les aidants proches, les partenaires sociaux ont conclu une CCT au sein du Conseil national du Travail. Cette CCT introduit un droit pour les travailleurs de demander des formules souples de travail à des fins de soins.

En quoi consiste le droit ?

Certains collaborateurs parents ou aidants proches ont le droit de demander, sous certaines conditions, un aménagement de leur modèle de travail existant. Cette formule souple de travail peut notamment inclure (sans limitation) :

  • le travail à distance, par exemple le télétravail
  • une adaptation de l’horaire de travail
  • une réduction du temps de travail

Toutefois, la formule souple de travail convenue doit être appliquée conformément au cadre législatif ou conventionnel existant.  Par exemple, si la formule souple de travail convenue entre votre collaborateur et vous consiste en du télétravail, le cadre réglementaire du télétravail s’applique, c’est-à-dire la CCT n° 85bis. Cependant, si la formule souple de travail convenue n’est pas encore appliquée au sein de votre organisation et que cette adaptation requiert une modification des conditions de travail réglées dans une CCT ou dans le règlement de travail, vous devez entreprendre les démarches nécessaires à cet effet.

En outre, en tant qu’organisation, vous ne devez pas attendre les demandes de formule souple de travail, mais la procédure de concertation sociale peut être mise à l’ordre du jour. Toute partie ayant un intérêt à cela peut le faire.

Enfin, un cadre pour les formules souples de travail peut également être établi au niveau sectoriel.

Dans quelle situation votre collaborateur peut-il faire une demande ?

S’occuper d’un enfant

Votre collaborateur peut demander une formule souple de travail pour s’occuper d’un enfant jusqu’à 12 ans. Il s’agit des situations suivantes :

  • La naissance d’un enfant dont la filiation est établie du côté de votre collaborateur
  • L’adoption d’un enfant, à partir de l’inscription de l’enfant comme membre du ménage
  • Le placement familial de longue durée
  • La tutelle

Ce droit s’applique également aux collaborateurs mariés ou cohabitant avec la personne dont la filiation avec l’enfant est établie et chez qui l’enfant est domicilié.

La limite d’âge est portée à 21 ans lorsqu’il est question d’un enfant handicapé.

Octroyer des soins personnels ou une aide personnelle à un membre déterminé du ménage ou de la famille qui nécessite des soins ou une aide considérables pour une raison médicale grave

Votre collaborateur peut également demander une formule souple de travail pour octroyer des soins personnels ou une aide personnelle à un membre déterminé du ménage ou de la famille qui nécessite des soins ou une aide considérables pour une raison médicale grave

La CCT précise la situation comme suit :

  • Un membre du ménage désigne toute personne cohabitant avec votre collaborateur (la cohabitation légale étant assimilée au mariage)
  • Les membres de la famille sont aussi bien les parents jusqu’au deuxième degré (p. ex. : parents, (petits-)enfants) que les alliés jusqu’au premier degré (p. ex. : beaux-parents, beaux-enfants), de même que les parents jusqu’au premier degré (p. ex. : parents ou enfants) du partenaire cohabitant de fait depuis au moins 12 mois avec votre collaborateur.

C’est le médecin traitant de votre collaborateur qui juge ce qui est considéré comme une raison médicale grave qui fait qu’une personne a besoin de soins ou d’une aide considérables. Il peut s’agir de toute forme d’aide et de soins de type social, familial ou émotionnel.

Condition d’ancienneté

Avant sa demande écrite de formule souple de travail, votre collaborateur doit être lié à votre organisation par un contrat de travail pendant 6 mois.

L’ancienneté est calculée de la manière suivante :

  • Vous devez neutraliser les périodes d’interruption entre différents contrats. Une période sans contrat entre deux occupations dans votre organisation n’interrompt donc pas l’ancienneté. Mais les périodes sans contrat n’entrent pas en ligne de compte. Exemple : un collaborateur était en service avec un contrat à durée déterminée du 1er janvier au 28 février. Cette personne réintègre ensuite l’entreprise le 1er avril avec un contrat à durée indéterminée. Elle aura les 6 mois d’ancienneté requis le 1er août et pourra effectuer une demande écrite à partir de ce moment-là. Cette personne n’était pas en service pendant le mois de mars. Ce mois ne compte donc pas, mais il est neutralisé.  
  • Les mêmes règles s’appliquent pour un intérimaire, mais uniquement en ce qui concerne les contrats avec la même agence d’intérim pour des missions chez le même utilisateur. Si un intérimaire entre au service de l’utilisateur de façon permanente après une période de travail intérimaire, les périodes en tant qu’intérimaire comptent pour le calcul de l’ancienneté. 
Intérimaires

Les intérimaires peuvent également effectuer une demande, mais doivent l’adresser à l’agence d’intérim, en vue d’une formule souple de travail chez l’utilisateur.  L’agence d’intérim communique la demande à l’utilisateur, qui transmet à son tour les motifs d’approuver ou non la demande à l’agence d’intérim.  

Comment effectuer la demande ?

Votre collaborateur doit effectuer la demande par écrit :  

  • Par lettre recommandée ;  
  • Délivrée avec signature d’un duplicata à titre d’accusé de réception ; 
  • Envoyée par voie électronique avec un accusé de réception par l’employeur.    

Il le fait au moins 3 mois avant la date de début souhaitée. Une période plus courte peut être convenue de commun accord ou mentionnée dans une CCT sectorielle ou une CCT au niveau de l’entreprise.  

Dans la demande, votre collaborateur mentionne qu’il est question d’une demande en vertu de la CCT numéro 162 du Conseil national du Travail. Il doit également préciser les éléments suivants : 

  • le type de formule souple de travail demandé ;
  • la date de début et la date de fin de la formule souple de travail ;
  • l’objectif de soins à prodiguer pour lequel la formule souple de travail a été demandée.

Chaque demande de formule souple de travail soumise par le travailleur peut porter sur une période de maximum 12 mois. Cette période maximale de 12 mois n’est pas limitée par bénéficiaire de soins ou par travailleur. Le travailleur a le droit de demander une nouvelle formule souple de travail ou une prolongation de la formule souple de travail en cours pour une période de 12 mois maximum. Il est possible d’augmenter cette période de 12 mois d’un commun accord, au moyen d’une CCT sectorielle ou d’une CCT au niveau de l’entreprise.

Comment devez-vous répondre en tant qu’employeur ?

Vous devez répondre à votre collaborateur dans le mois qui suit. 

Vous pouvez accepter la demande. Si vous refusez la demande, vous devez motiver ce refus par écrit. Enfin, vous pouvez reporter l’exercice d’une formule souple de travail pour une raison concrète liée au fonctionnement de l’entreprise ou vous pouvez faire une contre-proposition.

Si vous acceptez la demande ou si votre collaborateur consent au report, vous devez vous accorder sur les modalités concrètes de la nouvelle formule de travail.

Si vous ne répondez pas à la demande dans le mois qui suit, le travailleur peut réitérer sa demande de formule souple de travail.  

Un retour anticipé au travail est-il possible ?

Si votre collaborateur souhaite suspendre ou mettre fin à la formule souple de travail, par exemple en raison d’un changement de circonstances ou de nouvelles circonstances, il doit introduire une demandée motivée par écrit. En tant qu’employeur, vous disposez ensuite d’un délai de 14 jours pour fournir une réponse motivée à cette demande. 

En tant qu’employeur, vous avez aussi la possibilité de suspendre la formule souple de travail ou d’y mettre un terme en cas de nouvelles nécessités exceptionnelles imprévues, qui sont indépendantes de votre volonté et compromettent l’organisation du travail. Le travailleur donne une réponse écrite à l’employeur qui l’occupe dans un délai raisonnable et au plus tard dans les 14 jours suivant la demande. Le refus du travailleur de suspendre ou de mettre fin anticipativement à la formule souple de travail ne peut avoir de conséquences négatives pour le travailleur.

En cas d’acceptation d’un retour anticipé, le travailleur et l’employeur entameront dès que possible un dialogue sur les possibilités concrètes de retour, en tenant compte de leurs besoins mutuels.

Protection contre les traitements défavorables et le licenciement ?

Les collaborateurs qui épuisent le droit dont ils disposent en vertu de la CCT numéro 162 ne peuvent pas faire l’objet d’un traitement défavorable pour cela, ni être licenciés.  

La période de protection court à partir de la demande écrite jusqu’à 2 mois après le refus ou le début de la formule souple de travail ou jusqu’à 2 mois après la date de début demandée si aucune nouvelle formule souple de travail n’a été entamée. La protection court également pendant la période de report demandée par l’employeur. 

Si votre collaborateur fait malgré tout l’objet d’un traitement défavorable ou est licencié, il peut saisir le tribunal du travail. Dès que le travailleur avance devant le tribunal des faits rendant ce traitement défavorable plausible, il vous revient, en tant qu’employeur, de démontrer que le travailleur a été traité d’une certaine manière ou a été licencié pour une raison autre que le fait qu’il ait épuisé son droit. Si vous n’y parvenez pas, vous devrez payer des dommages et intérêts à concurrence : 

  • d’au moins 2 mois de salaire et de maximum 3 mois de salaire en cas de traitement défavorable ; 
  • d’au moins 4 mois de salaire et de maximum 6 mois de salaire en cas de licenciement. 

Si le collaborateur avec qui vous avez conclu un contrat de travail à durée déterminée a introduit une demande de formule souple de travail, le non-renouvellement de ce contrat de travail peut être considéré comme un traitement défavorable. Il appartient à votre collaborateur d’apporter la preuve que son contrat de travail n’a pas été renouvelé pour des raisons liées à l’exercice de ses droits résultant de cette convention collective de travail.

Ces dommages et intérêts ne sont pas cumulables entre eux ni avec toute autre indemnité due par l’employeur à la suite de la résiliation du contrat de travail, en ce compris une indemnité pour licenciement abusif, à l’exception d’une indemnité de préavis, d’une indemnité de non-concurrence, d’une indemnité d’éviction ou d’une indemnité complémentaire payée en sus des allocations sociales.  

Source:  
Convention collective de travail numéro 162 du Conseil national du Travail instituant un droit à demander une formule souple de travail, 27 septembre 2022, CNT.

Partagez cet article